Le pèlerinage de Nijimura

Citation :

Le pèlerinage de Nijimura
Rang B
Equipe convoquée :
*Kai Uzumaki (équipe Genin 5)
*Youma Sengoku (équipe Genin 5)

Client : Temple de Hanohana

Une étrange requête nous est parvenu du temple de Hanohana, un repaire de moines retranchés du monde situé à quelques kilomètres à l'Est du pays de la cascade. L'un de leur moine appelé Nijimura Takeshishi est parti il y a trois jours en pèlerinage au pays de la terre, avec pour objectif de franchir une montagne appelé le mont Tsurugi. Il y a un gîte près du sommet où se trouve un petit autel dédié à Dôjin, un lieu sacré des plus importants pour les membres de ce temple qui vénèrent essentiellement ce dieu parmi les cinq.

Nijimura était censé donner des nouvelles par téléphone tous les jours, mais voilà une journée entière qu'il n'en a pas donné. Normalement, le réseau passe dans cette région du pays de la roche. Aussi, nous voudrions envoyer une équipe d'intervention pour grimper en haut du mont et aller voir ce qu'il se passe.
La région est normalement calme, vous trouverez notamment un petit village du nom de Botsvana juste en bas de la montagne, et les brigands ne sont pas présents dans cette zone du pays, contrairement à d'autres. Mais dans le doute, prévoyez un équipement adapté aux mauvaises rencontres.

Objectifs :
*Retrouver Nijimura.
*Ramener Nijimura sain et sauf s'il n'est pas déjà mort.

Récompenses :
*200 drakes.
*1 moyen élixir

Je vous laisse ouvrir dans l'ordre qu'il vous plait. J'interviendrais occasionnellement si j'ai quelque chose à dire ou pour faire parler les PNJs du pays de la roche.

Vous aurez des chevaux pour aller jusqu'à un relais situé à la frontière des plaines. De là, vous entrerez au pays de la roche en yacks, des montures bien plus adaptées et qui connaissent le terrain.

Normalement, avant que vous arriviez à Botsvana, je n'ai rien à poster.

Vous aurez une carte de la région proche vous indiquant le chemin pour y aller, sur laquelle figure aussi le mont Tsurugi.

Le contraste dans les instructions de l’académie me surprend. Ils m’affirment que j’ai le niveau pour être Genin, tout en me recommandant d’y aller doucement pour mes premières missions. Soit disant que j’ai besoin de compléter ma formation avant d’être tout à fait prêt à me lancer dans le grand bain. Suite à quoi j’effectue quelques missions de rang D, une petite poignée. Ensuite, ils m’envoient directement, sans préambule, pour une mission de rang B. Ils sautent une étape, se contredisant une seconde fois. Est-ce que les personnes qui s’occupaient de l’attribution des équipes et des missions avaient un peu trop abusés de la bouteille ? La vie de ninja était difficile, donc l’hypothèse me parait crédible. Qu’ils réussissent à garder leur poste pour encore longtemps, en revanche, me l’apparait beaucoup moins.
Evidemment, je ne suis pas insatisfait d’être placé sur ce genre de mission. Malgré la difficulté, il me parait clair que c’est une bonne occasion de m’affirmer et d’engranger beaucoup d’expérience. De plus, j’ai confiance en mes capacités. Et puis, le pays de la roche m’est totalement inconnu. Ce sera une bonne occasion de le visiter et d’en apprendre un peu plus sur lui.
De toute manière, pour la part d’incertitude qui agite cette décision et la mission à venir, c’est très simple : il me suffit de m’emparer de l’outil qui me donnera des réponses fiables. Aussi, avant de me diriger vers la porte de la ville afin d’y attendre mon équipier, je m’empare d’un exemplaire de ‘Horoscope shinobi’ au kiosque à côté de chez moi.
Ceci fait, tout en lisant attentivement les lignes consacrés à ceux qui sont du signe du Bœuf, j’avance d’un pas décidé à-travers les rues de Taki.

- De bonnes nouvelles sont en vue aujourd’hui. L’atmosphère d’aujourd’hui renforcera grandement votre confiance. Un sport d’endurance serait le bienvenu. Vous délasser serait ensuite nettement plus facile.

Le climat astral est déjà un bon signe : nous allons faire de l’escalade, au pire de la randonnée en montagne. J’imagine que ça peut être considéré comme un sport d’endurance.

- Humeur. Vous ne laisserez pas de place à l’hésitation aujourd’hui. Vous agirez avec bon sens et détermination. Vous aurez l’art de défendre vos intérêts. Vous pouvez pleinement écouter votre petite voix intérieure pour vous diriger vers du solide, du concret.

Une évidence. Cela signifie donc qu’aujourd’hui il est mieux d’agir comme d’habitude.

- Amour … Loisirs …

Un jour de mission, ni l’un ni l’autre n’est pertinent. Je passe donc sans état d’âme.

- Travail. Envisagez l’avenir avec optimisme. En ce moment, vous pouvez vous remettre en selle, dès que vous le déciderez. Votre volonté exemplaire vous conduira très loin.

Bien. Très bien, même. Cela signifiait probablement que la mission sera couronnée de succès. Ou alors que mon équipier, un certain Kai Uzumaki, sera l’artisan de notre débâcle. Mais au vu de mon horoscope franchement favorable, il faudra qu’il ait un karma vraiment merdique, aujourd’hui, pour contrebalancer le mien. J’espère que ce ne sera pas le cas, ce serait dommage de gâcher d’aussi bonnes chances de réussite.
Mine de rien, je connais bien les Uzumakis. En tant que membre d’un clan de scientifique, autant dire qu’on se connait même très bien. Certes, ma famille a plus pour habitude d’être civile, mais il n’empêche que nous avons travaillés ensembles pour de nombreux projets scientifiques. C’est une bonne idée de nous avoir placés dans la même équipe.

J’arrive à la porte de la cité. Pour le moment, il n’y a pas grand monde. Un vagabond est en train de monopoliser le garde en faction, du coup je ne peux pas lui demander s’il a vu passer un autre ninja. Mais j’aperçois nos deux chevaux, déjà sellés et préparés, et personne aux alentours d’eux. Donc je suppose que je suis le premier arrivé.
Je me dirige donc naturellement vers les deux bêtes, afin d’attendre, debout et bras croisés, mon magazine encore à la main. Il n’est pas encore tout à fait l’heure, aucune raison de commencer à s’impatienter. Et puis, l’air frais d’un matin d’hiver est toujours une source de réjouissance. Je serais bien sot de ne pas en profiter.

Enfin une mission ! Ça faisait un moment que je l'attendais. Il semblerait que tous les efforts que j'ai faits récemment ont été remarqués, puisqu'on ma même attribué un coéquipier et une équipe, créée pour l'occasion.
La mission par contre, est assez surprenante. Je me suis certes beaucoup investi dans mes entraînements, mais je n'ai pas pour autant montré des aptitudes au combat formidables, et pourtant on m'attribue une mission de rang B, en duo avec un coéquipier que je n'ai encore jamais rencontré. Enfin, si j'en crois l'ordre de mission, le rang B n'est là que parce que la mission implique de se rendre à l'étranger, mais les tensions entre l'Empire et le pays de la terre se sont calmées depuis quelques temps et le conflit semble sur le point de se résoudre. De plus, les brigands, caractéristiques de cette région, semblent avoir été matés dans le coin où nous nous rendons. Au final ça a tout l'air d'être une zone tranquille, propice aux pèlerinages, et c'est justement ce qui rend la disparition de Nijimura surprenante.

Enfin, inutile de spéculer là dessus tant qu'on n'aura pas plus d'informations, je devrais plutôt m'assurer d'avoir tout ce dont je vais avoir besoin pour cette mission avant de rejoindre mon coéquipier. Un coéquipier assez surprenant d'ailleurs, un Sengoku. Je n'ai jamais rencontré de membre de ce clan, mais leur proximité avec la branche scientifique est bien connue, surtout chez les Uzumaki, par contre, c'est rare d'en rencontrer un qui a choisi la carrière de shinobi. En tout cas, je connais une chouette que ça va intéresser.

Après m'être assuré d'avoir bien rassemblé tout mon équipement, et emporté de quoi manger une bonne semaine dans mon sac à dos, je pars de chez moi en direction des portes de Taki, je suis censé y retrouver Youma, et des chevaux, qui nous conduiront vers une première étape de notre trajet. Tant mieux, ça m'évitera de m'inviter dans une caravane marchande pour une fois, et ça nous laissera le temps de faire connaissance sur le trajet, le pays de la terre, c'est pas la porte à côté.
En arrivant aux portes de la ville, je n'ai aucun mal à repérer mon coéquipier : les cheveux cyan, caractéristiques de son clan, ont l'avantage d'être faciles à remarquer même en pleine rue. Les chevaux à côté de lui me confirment qu'il s'agit de la bonne personne, je m'approche de lui et lui tends une main.

"Salut, Kai Uzumaki, et je te présent Shiro, de la famille des Fukûro. Désolé je suis tout juste à l'heure, ça fait longtemps que tu m'attends ?"

Sans beaucoup plus de cérémonies, je monte mon cheval, avec quelques difficultés, c'est haut ces bêtes, prêt à partir dès que Youma aura fait de même.

"Je te propose de ne pas perdre de temps, on a un long chemin devant nous, et tout le temps qu'il nous faut pour apprendre un peu à se connaître. Enfin, je ne sais pas ce que tu en penses, mais c'est assez surprenant comme mission. En tout cas c'est ma première de rang B, même si elle ne semble pas si dangereuse au vue de l'ordre de mission, je pense qu'on devrait rester prudents, et être sûrs de savoir un peu ce qu'on est capables de faire, en cas d'imprévu.

De mon côté, c'est mon fuinjutsu que j'ai le plus travaillé, mais il n'est pas vraiment adapté au combat comme tu t'en doutes. Ceci dit je suis médecin, et j'ai quelques bases assez récentes en maniement du Ki. Et Shiro a quelques surprises aussi de son côté.

J'ai entendu quelques histoires sur les talents des Sengoku, certaines un peu loufoques d'ailleurs, mais en pratique, je dois t'avouer que je n'ai aucune idée de ce dont vous êtes réellement capables."

Un petit bonhomme, qui se révèle être Kai Uzumaki, arrive quelques minutes après que je me sois installé pour observer le lever du soleil. Cet astre me rappelle sans cesse un ouvrage que j’ai lu maintes fois, écrit par Nishimura Sengoku, qui parlait de le transmuter pour en changer la couleur en transmutant la nature même du feu.
Après avoir serré machinalement la main que me tend Kai tout en se présentant, je me penche sur la première question qu’il me pose.

- Youma … Quatre minutes et quarante-sept secondes. Si c’est mon point de vue que tu voulais connaître, je dirais que l’heure du rendez-vous est dans treize secondes. Et donc, que non, ce n’était pas long. Et que si ça l’était, c’est moi qui porte la responsabilité du fait d’être arrivé en avance.

Il est certain que je ne peux être plus clair sur le sujet.

Profitant du centième de seconde que me laisse Kai avant de reprendre la parole, je le détaille. Il est chétif. Et roux, mais même si cette couleur de cheveux apporte son lot de problèmes, deux raisons me poussent à ne pas approfondir le sujet : la première, c’est que ma couleur à moi me place assez mal pour critiquer autrui à ce sujet, et la seconde simplement que les dits problèmes n’ont absolument aucun rapport avec la mission qui va s’ensuivre. Et donc qu’il est plus pertinent de se pencher sur la silhouette infantile que déploie le jeune homme. Nous allons au pays de la roche, donc les exploits physiques peuvent être de mise sur notre route. Enfin, le clan Uzumaki rend ces données visuelles trompeuses, puisqu’il crée des êtres humains plus robustes que la norme. De plus, reste le problème du combat. Normalement, vu sa carrure il n’a pas choisi le combat rapproché. S’il l’a fait, je quitte cette mission immédiatement pour sauver ma peau. Dans le cas contraire, l’efficacité d’un ninja ne s’arrête pas à la première impression.
Autant dire que, après examen attentif des caractéristiques physiques de Kai, je n’arrive à aucun conclusion, et donc que ces observations n’ont que peu d’intérêt. Et après avoir fixé ce constat, je peux donc me concentrer sur ses nouvelles paroles, car il ne manque pas de m’étaler des blocs de mots comme de la compote sur une tartine.

Bien qu’il soit un jeune ninja, il a quand même quelques missions à son actif. Du coup, il est plus expérimenté que moi. J’enregistre également les quelques informations qu’il me fournit sur lui, tout en enfourchant mon cheval. Je constate que j’avais raison : il n’est pas dans les domaines nécessitant de la puissance physique, et pourtant le sang Uzumaki lui permet malgré tout de pratiquer la médecine, qui ne demande contrairement à ce que beaucoup pense pas que de l’habileté. On peut même être un bon médecin avec peu de connaissances ou en étant un parfait demeuré. En revanche, manier le sacré vert demande une résistance physique supérieure à la moyenne, ne serait-ce que pour pouvoir le produire. Le ki est plus surprenant. Mais pas non plus incohérent : il compense ses lacunes, donc pour moi ses apprentissages sont bien pensés.

Je salue la chouette d’un signe de tête lorsqu’il la mentionne. J’ai eu peu d’occasions de croiser des invocations, mais je sais que le respect est une valeur forte dans son monde.

Kai a cessé de parler, et il me fixe maintenant, semblant attendre quelque chose. C’est à moi de parler, bien sûr. Nous sommes deux à participer à cette mission, c’est normal qu’il ait autant de cartes en mains que moi. Ca risque d’être un peu compliqué de s’y habituer, mais je n’aurais qu’à me dire que nous bossons sur un projet de laboratoire à l’extérieur. Là, partager toutes nos informations deviendra beaucoup plus simple.

- Je n’ai effectué que quelques missions de rang D, et je ne suis pas allé à l’académie. Ce qui signifie que tu es le plus expérimenté de nous deux.

Je cligne des yeux. J’ai vraiment besoin de savoir quelque chose, avant qu’on aille plus loin dans cette discussion.

- Dis-moi, tu es né pendant quel règne ?

Peut-être pris au dépourvu par cette question, ou alors sans raison de se méfier, Kai me répond. Un rat. Intéressant. Je l’aurais plutôt vu en cheval. Mais rat, c’est très bien aussi. Tandis que je sens le poids d’un regard probablement interrogateur, je tire le magazine du jour de la poche où je l’ai rangé.

- En ce jour, vous ne serez pas très objectif. Vous manquez de discernement. En prodiguant vos conseils, vous vous montrerez assez dur et sans état d’âme. Vous êtes pointilleux.

Je redresse la tête quelques instants pour commenter.

- Tu vas donc dire les choses de la bonne manière, avec beaucoup de précisions. Mais tu ne prendras pas les bonnes décisions au moment crucial … Je pense que ce serait mieux qu’aujourd’hui, ce soit moi qui prenne les décisions. En revanche, il faut que tu abondes d’idées. Dur et sans état d’âme. C’est parfait pour émettre des suggestions. C’est même le mieux.

Bien, la suite …

- Travail … Quelques changements sont prévus mais pas vraiment ce que vous attendez. Oh. Apparemment, je serais un coéquipier surprenant pour toi. Soit. Ce n’est pas un mauvais horoscope. Etant donné l’excellente qualité du mien, aujourd’hui, la mission devrait bien se passer.

Retour à la réalité.

- Nous disions ? Ah oui, les capacités respectives. Je suis un bon combattant. Je préfère cependant la mi-distance à un corps à corps franc. Pour le reste, l’affinité de chakra de mon clan me laisse sans spécialisation principale, comme les ninjas ont l’habitude d’en avoir. Alors je m’appuie essentiellement sur les techniques de mon clan : les transmutations. Je pense que le plus simple serait de te faire une démonstration, mais dépenser du chakra maintenant serait très stupide. Oh, je sais. Tiens, regardes ce shuriken.

Je lui tends l’un de mes shurikens en verre.

- Lorsque je l’ai acheté, c’était un shuriken de métal. C’est l’une des techniques Sengoku les plus utiles pour une carrière de ninja : transmuter la matière. Si je dispose des matériaux nécessaires, je peux créer des objets, aussi. Je peux aussi la valoriser, en la densifiant, ou encore en la modifiant légèrement. D’ailleurs, ces transformations peuvent durer plusieurs jours. Donc je pense que dès que nous aurons l’occasion de faire un arrêt pour manger et nous reposer, ce serait une bonne idée que je fasse une révision de nos équipements. Ainsi, j’aurais le temps de récupérer du chakra, et nous serons bien mieux parés pour la suite de la mission.

Bien sûr, je ne lui parle que des effets de surface de mes techniques. Mais le temps pour les explications sur les éléments qui constituent toute chose, ou ce genre de détail … aurait été mal employé. Nous sommes en pleine mission, pas dans le QG de la scientifique. Nous aurons tout le temps pour ça un autre jour.

La réponse est un peu attendue, mais j’ai vu juste. Les chaines de Kai sont une arme plus que secondaire, il n’a jamais dû en avoir plus besoin que ça. Ce qui doit expliquer leur qualité. Il reconnait lui-même que ce n’est pas très rentable de les améliorer pour la mission à venir. D’un autre côté, si une amélioration, même si je ne peux pas la rendre incroyable, peut lui permettre d’infliger la moindre coupure et donc d’infliger un empoisonnement, ça reste quelque chose d’intéressant. Enfin, ce n’est pas comme si ma chaine ne peut pas accueillir du poison, elle aussi. Peut-être cependant que les makibishis sont une meilleure option. Si je peux les transformer en verre, alors il aura un équipement tout de même plus approprié. Je dois donc peut-être réfléchir en termes de changement de matériaux, avec Kai, plutôt qu’en amélioration pure et dure. Cela me semble plus intéressant.

En termes de stratégie, de toute façon, Kai est lucide et préfère prendre l’arrière-garde. Cela me semble très censé, aussi je n’y ajoute aucun commentaire. Les rôles sont clairs comme de l’eau de roche, c’est quand même une très bonne chose. Et puis, ses facultés médicales sont mieux loin du front où il peut être blessé. Je ne suis pas en sucre, aussi avec quelqu’un capable de soigner les blessures pour me couvrir, nous devrions nous en sortir potentiellement très bien.
De nombreuses possibilités pour pallier à tous les types d’adversaires. C’est ambitieux. Mais c’est aussi la raison qui m’a poussé à choisir la chaine comme arme, donc je peux comprendre son raisonnement.
Eh bien, ce n’est pas si pressant. Prendre le temps d’y réfléchir, puisque nous avons un long trajet, me semble plus indiqué que de tirer immédiatement des conclusions et tout anticiper.

Et puisque Kai aborde le sujet, effectivement, savoir ce que nous ferons une fois sur place est plus urgent. Botsvana. Quel nom étrange pour une bourgade. Enfin, nous allions sortir des frontières de l’Empire. Les coutumes, comme les dénominations, peuvent devenir bizarres à nos yeux, alors qu’il n’en sera rien pour les locaux. C’est justement le côté le plus sympathique d’une mission à l’étranger. Un peu d’exotisme mène à l’ouverture de l’esprit, et l’ouverture de l’esprit à de nouvelles approches de certains concepts. Avec un peu de chance, même, on peut avoir l’idée de génie qui fait avancer tout un pan de nos recherches. Voilà pourquoi j’ai toujours pensé que les scientifiques qui s’adaptent au terrain et sortent un peu de leurs laboratoires ont de meilleures idées. Le voyage n’est pas la même chose que les données récoltées par le voyage d’un tiers. Voir de ses propres yeux et expérimenter peut parfois suffire à éveiller quelque chose, une connaissance, un état d’esprit, un simple paysage. Le tangible, juste sous ses yeux, peut primer sur la simple imagination. Même si son pouvoir créateur n’est pas à négliger non plus.

Que ferons-nous une fois arriver à ce village, donc ? Les suggestions de Kai me paraissent honnêtes. Et au pire des cas, si nous ne trouvons rien de tel comme matériel, alors il suffira d’utiliser n’importe quel type de matériaux, même si je préfère le métal et le tissu afin de ne pas avoir à transmuter aussi le matériau autant l’avoir directement sous la bonne forme, pour s’en fabriquer. Après, reste une question à savoir.

- C’est une possibilité. Le mieux est encore de jeter un œil au relief en question, pour savoir de quel type de matériel nous aurons besoin, ou si nous en aurons tout simplement besoin. Il n’est pas inhabituel de croiser dans des villages proches de récifs montagneux des personnes qui connaissent bien la typologie du terrain. En interrogeant un connaisseur, nous serons fixés sur ces questions d’ordre pratique.

Quant à savoir qui aller voir en premier lieu …

- Si c’est un village, il doit bien y avoir un maire qui l’administre. Si c’est le cas, il doit être au courant des passages dans son village. Il nous renseignera. Et s’il n’y en a pas ou qu’il ne peut pas, j’imagine qu’il ne doit pas y avoir cinq auberges. En nous y rendant, il y a de fortes chances que le tenancier ait vu notre pèlerin. Le pays de la terre a mauvaise réputation. Les voyageurs sont rares dans le coin, j’imagine. De plus, les moines affirment avoir perdu contact avec lui après le début de son ascension. Donc nous savons qu’il est nécessairement passé par le village, et qu’il a entamé l’escalade du mont. Ce serait étonnant que personne ne sache rien.

Comme Kai, j’ai notifié le fait que les brigands ne sont probablement pas un problème dans la région où nous nous rendons. Cependant, je n’ai pas pensé à la présence éventuelle d’animaux sauvages. Bien vu. Un pèlerin n’est pas un ninja. Et sauf erreur, le temple de Hanohana n’a pas l’air d’être un repaire de moines guerriers. Principalement parce que sinon, ils se seraient acquitté de la récupération de Nijimura sans avoir besoin de notre aide. Avoir simplement croisé un lynx peut suffire à mettre un simple pèlerin dans l’embarras.

- Sais-tu que l’expression œil de lynx est surfaite, maintenant que j’y pense ? Les félins ont une vue meilleure dans la pénombre que les humains, mais de jour elle n’a rien d’exceptionnel. Les lynx n’ont aucun atout spécifique par rapport aux autres félins. Ils ont l’air d’avoir le regard perçant, mais il n’en est rien, cependant. Ils sont tout à fait normaux.

Je souris, conscient d’avoir dit quelque chose de très intéressant.

Pour ce qui est de notre pèlerin … je dois bien avouer qu’avant d’être arrivé à Botsvana, il est difficile de se faire une idée précise du quoi ou du comment.
J’ai quand même une petite idée. J’attrape mon téléphone, entreprenant de chercher une image plus concrète du mont Tsurugi, ou quelques informations à propos du village de Botsvana, qui seraient intéressantes à partager avec mon équipier.

J’énumère à voix haute les différentes trouvailles que j’ai faites sur l’endroit où nous allons. Il y a peu de choses, évidemment : le village de Botsvana étant en-dehors du territoire impérial, les personnes qui gèrent les sites sur le tourisme ne l’ont probablement jamais vu. Un temple traditionnel, qui change son affiliation divine au gré des nations qui prédominent dans le monde. Pour que l’Eglise impériale, connue pour avoir une certaine rigueur, n’accepte de reconnaître un temple bâti à l’époque des anciens dieux, ce doit être une merveille. Malheureusement, si nous avons quelques clichés du village, ou du sentier menant vers le sommet, nous n’en avons pas du monument. Dommage. Enfin, étant donné sa description, je doute que nous soyons incapables de le reconnaître. Informations, provisions, et un endroit où dormir. Il me semble que Kai a résumé parfaitement tout ce dont nous aurons besoin au village, aussi je n’ajoute rien. J’ai un peu l’impression qu’on tourne en rond et que nous répétons plusieurs fois les mêmes choses.
Enfin, il y a quand même une nouveauté : nous n’aurons pas besoin de matériel pour escalader le mont, puisque c’est un sentier. Difficile d’accès, certes, mais nos jambes nous porterons toutes seules jusqu’au sommet du mont Tsurugi.

Kai est de bonne compagnie, en tous cas. Il est rare de trouver quelqu’un qui réponde à une anecdote par une autre. Avec un sourire, je lui réponds simplement, pour poser de l’huile sur le feu et entretenir cette petite discussion :

- Mais le chien est réellement un animal fidèle. Là où le lynx n’a pas une bonne vue. L’un est un symbole bâti sur la méconnaissance de l’animal, là où l’autre est devenu un symbole grâce à l’une de ses qualités bien réelle. Je doute que beaucoup de personnes dans l’Empire connaissent les inséparables, donc pour la plupart d’entre eux ‘fidèle comme un inséparable’ demeurerait une expression bâtie sur rien du tout. Et puis, dans le cas des inséparables c’est dans le ‘mariage’ si je puis dire qu’ils sont fidèles. Ce qui fait que l’homme aime tant le chien, c’est qu’il est fidèle à son maître. Un oiseau fidèle à un autre oiseau n’intéresse pas un être humain. S’il n’y a pas de rapport de domination, c’est tout de suite moins grisant.

Est-ce que cette petite discussion a un sens, en soi ? Pas réellement. Ce ne sont que des faits, et j’ignore totalement où elle mène. C’est bien ce qu’il y a d’intéressant avec la parole, après tout. Mais c’est tellement rare d’avoir quelqu’un avec qui partager ce genre de moments, que j’espère vraiment que …

Eh bien non. Comme le dit si bien Kai, nous voilà déjà arrivés au relais. Nous venons de sortir de l’Empire, si j’en crois mes connaissances en géographie.

- Confortables, oui. Mais un peu lents. Enfin, j’imagine que sur un sentier de montagne, ils nous seront extrêmement utiles. Je viens seulement d’y penser, mais si vraiment la montagne est trop dure à gravir, on peut aussi envisager d'y aller à dos de yack.

Tandis que nous continuons à dialoguer, nous approchons de la petite maison en bois, entourée d’enclos. Il y a des chevaux à l’ouest de la demeure, et des yacks à gauche. Ils sont séparés ? Etrange. Je doute que l’un ou l’autre soit agressif, pourtant. Peut-être que c’est une question de nourriture, aussi. Enfin, même si je suis de nature très curieuse nous sommes encore en mission. Converser pour rendre le voyage plus agréable est une chose. Se détourner même quelques instants de notre objectif pour discuter avec des civils, c’en est une autre.
Je saute à bas de ma monture, pour m’approcher vers le bâtisse en bois. Apparemment, on nous a vus arriver, puisque deux hommes sortent et viennent dans notre direction. La vingtaine, bien bâtis, presque des athlètes accomplis. Ils doivent s’occuper des montures régulièrement. Les faire s’exercer. Ca expliquerait une telle musculature chez des garçons de ferme. Tandis qu’ils attrapent les rênes de nos chevaux, un homme plus âgé, qui doit avoir près de soixante ans, vient à notre rencontre.

- Bienvenue à vous deux. Je suis Menji, le ranch m’appartient. Voici mes fils, Anako et Himura. Vous avez fait bon voyage ?

- Youma. Jusqu’ici tout se passe bien, je vous remercie.

- On nous avait prévenus que vous arriveriez dans ces heures, vos montures sont déjà prêtes. Avez-vous aussi besoin de nourriture, ou d’eau ? L’Empire me paie grassement pour mes services, et les affaires vont bien. J'ai de quoi vous ravitailler.

Je regarde Kai quelques instants, histoire d’évaluer ses propres réserves. Comme pour moi, il n’a pas dû prendre grand-chose. Juste le minimum. Et maintenant, nous avons les yacks, qui peuvent transporter de quoi nous nourrir plusieurs jours sans être ralentis.

- Ce serait plaisant, oui, je vous remercie. Auriez-vous quelques nouvelles venant du pays de la terre, aussi, par hasard ? Nous allons en direction du Mont Tsurugi. Si jamais vous aviez entendu parler de quoi que ce soit venant des alentours …

Après tout, pourquoi pas. Il vit proche du pays de la roche. Avec un peu de chance, il aura entendu parler de quelque chose.

Pas de poisons évidents, donc. S’il y a quelque chose c’est invisible, ou tout du moins habilement camouflé. La piste d’une trahison de Menji s’éloigne. Les pièges aussi sophistiquées, et tant de peine prise, pour un vieil homme qui tient un ranch … Ca me parait de moins en moins probable. Cela dit, analyser une structure ne me coûte que du temps. Et nous avons encore un peu de trajet, je peux bien sacrifier une dizaine de minutes pour ça. Je prends donc le sac tendu par Kai, et en sort un morceau de viande séchée de taille banale. J’accroche le sac sur le côté du yack. Il ne tremble même pas, malgré le poids qui s’ajoute sur un seul de ses flancs. Aucune réaction. J’aime décidément beaucoup la fiabilité de cette monture.
Bon, ce morceau de viande. Je ferme les yeux pour mieux me concentrer, et pose mes mains dessus. Cette étrange connexion entre les Sengokus et le monde qui les entoure se fait. Je me projette dans la matière qui constitue ce morceau de viande. Chaque fibre de son être est désormais projetée devant les yeux de mon esprit. Un complexe écheveau de fils lumineux, de différentes teintes. Chacun d’entre eux dépendant d’un élément en particulier, ici une composition principalement placée sous le signe des cinq éléments, mais où l’eau est primordiale, comme tout objet issu d’un être vivant. Hormis l’homme et les Kuchiyoses, dont les écheveaux élémentaires sont plus complexes, et souvent faussées par ce qu’ils appellent l’affinité élémentaire. Qui en soit, est une anomalie partagée par tous les êtres humains.
Je parcoure les écheveaux. Même si on la préparait autrement, cette viande ne sera jamais tendre. Sa densité est faible, mais les écheveaux sont solides. Elastiques. Rien qu’à les voir, je sais que ce ne doit pas être un plaisir à mastiquer. Cependant, il n’y a qu’eux. Aucune autre structure que celle de ce morceau de viande. Et les écheveaux élémentaires sont cohérents. Rien qui ne me fasse hausser le sourcil ou présente la moindre anomalie.
Je rouvre les yeux et repose le morceau de viande, attrapant cette fois du pain. Et je réitère l’opération. Puis avec un fruit. Avant de relever la tête vers Kai, et de ranger le tout à sa place.

- Pour moi, il n’y a rien non plus. Aucun corps étranger, et aucune altération de la structure de ces aliments. Ils sont juste ce qu’ils semblent être, sans la moindre surprise.

Une légère pointe de déception peut se ressentir dans ma voix. J’aime tout ce qui sort de l’ordinaire ou ne se passe pas comme prévu. Parce qu’un élément inattendu est source d’innovation. Oui, en mission c’est aussi très dangereux. Mais mon esprit de jeune scientifique entreprenant aime à m’orienter vers l’inhabituel même s’il sait que ce n’est pas forcément une bonne chose.

Nous discutons encore quelques minutes Kai et moi, de la façon dont nous allons nous comporter une fois arrivés au village. La méfiance semble être une bonne attitude, mais aussi une certaine forme de respect des autochtones, en allant demander une permission imaginaire à leur chef, et se présenter. Cela semble plutôt avenant comme démarche. J’espère qu’à aucun moment on aura à gérer une foule en colère, ou quelque chose du genre. En tant que ninjas, faire un bain de sang ne devrait pas être si compliqué. Mais c’est un événement qui ne serait pas vraiment appréciable. Être préparé à tuer ne veut pas dire que c’est un plaisir. En fait, c’est même plutôt une corvée à laquelle je préfère me soustraire dès que l’occasion m’est donnée …

Au détour d’un canyon, nous arrivons enfin au village de Botsvana. C’est vraiment tout petit. Mais les architectures ne me semblent pas si différentes des villages des plaines. Je remarque quand même que le plancher est direct au sol, contrairement aux plaines humides où il vaut mieux faire des sortes de semi-pilotis, afin de ne pas voir les bases de son habitation s’éroder. Ici le pays est plus sec. En revanche, les murs paraissent plus épais. Ils sont entourés de montagnes, je suppose qu’ils doivent craindre des éboulements occasionnels. Les maisons doivent pouvoir tenir debout et être des abris fiables dans ce genre de situation.
Quelques passants nous dévisagent. Des personnes de tout âge. Mais surtout adultes. En fait, je ne vois aucun enfant … Sont-ils à l’école ? Ou alors se cachent-ils ? Difficile à dire au premier coup d’œil. Je descends du yack, préférant aller à pieds en le guidant avec sa bride plutôt que de rester dessus. Ce serait un peu trop cavalier, hors, nous ne venons pas en envahisseurs. Autant mettre notre attitude du bon côté.
Je me concerte du regard avec Kai, avant de m’approcher d’un riverain. Un homme d’une quarantaine d’année, au visage buriné et garni d’une barbe foisonnante.

- Monsieur, bonjour. Je m’appelle Youma. Je suis au service de l’Empire. Nous avons été envoyés dans la région pour retrouver quelqu’un. Et nous espérions pouvoir passer une nuit ici. Auriez-vous la gentillesse de m’indiquer la direction d’une mairie ou de l’habitation d’un chef de village ? Nous aimerions nous présenter à lui et voir si nous pouvons trouver un toit.

Il semble très méfiant, mais pas spécialement apeuré. Plutôt … Revêche. Il ne veut pas perdre la face, ou alors il ne nous craint vraiment pas et serait prêt à empoigner la lourde hache à côté de lui, qui lui servait jusqu’ici à couper du bois. Pas commode, ce type. Cependant, sa réponse n’est pas hostile.

- La maison là-bas. Le chef y est. Et y’a une auberge par là-bas.

Court, et concis. Je le remercie, et nous nous dirigeons vers la maison du chef sous les regards curieux des habitants. Je ressens quand même un peu moins de tension. Enfin, ce n’est peut-être qu’une impression qui est due au fait que le premier habitant du coin auquel je me suis adressé ne m’a pas envoyé bouler.
La maison du chef ne semble pas bien différente des autres. Je toque à la porte, et me tourne vers Kai avec un petit sourire presque complice :

- Celui-là, je te le laisse.

Alors que Youma a toqué depuis une minute à peine, on entend enfin des bruits de pas. Et finalement, quelqu'un ouvre. Il n'est pas richement vêtu, mais possède tout de même une certaine prestance, on sent à son aura qu'il est différent des autres villageois. Et aussi ... Ses vêtements ne semblent pas être de facture locale. En fait, ils seraient même appropriés si cet homme s'aventurait au coeur de l'Empire. Des vêtements d'une personne commune comme on peut en croiser dans les rues. On est loin, ici, de la vestimentaire des gens du pays de la terre, plus traditionnelle et moins élaborée, en général.
Il a l'air très surpris de vous voir, et vous jauge rapidement. Ses yeux s'attarde très brièvement sur vos bandeaux. Et un sourire un peu crispé s'affiche sur son visage.

« Eh bien, voilà une visite inattendue. Je vous en prie, entrez. »

Tout en l'annonçant, il ouvre la porte et s'éloigne de quelques pas. Vous êtes dans une maison très modeste, avec des meubles faits tantôt de bois, tantôt de pierre comme pour la table par exemple. En fait, il y a globalement très peu de bois maintenant que vous pouvez voir le tout.

L'homme vous désigne deux chaises, tandis qu'il va derrière un bar qui est lui aussi en pierre.

« Auriez-vous soif, messieurs ? »

Une fois qu'il leur eu proposé du thé, il vint s'asseoir en face d'eux.

« Navré, j'ai complètement oublié de me présenter. Je suis Wei Li Peng. Je suis le chef de ce village, mais si vous êtes ici c'est que vous le savez déjà. Je suis très agréablement surpris que vous ayez pris la peine de venir me voir. En tous cas, si vous avez des questions ou des choses à me dire, je vous en prie, je vous écoute. Je serais très heureux de pouvoir vous aider. »

Il semble être quelqu'un de calme et de très posé. Et même plutôt poli. En tous cas, s'il est mécontent, il ne l'affiche absolument pas.

Le bruit de l'eau qui chauffe. Tandis que les questions de Kai fusent, Wei ne répond rien dans un premier temps. Puis, il revient avec trois tasses brûlantes, dont il pose deux exemplaires devant les ninjas, avant d'en poser une devant un chaise vide, qu'il s'empresse d'occuper aussitôt.

« J'ai bien entendu dire qu'un moine avait passé une soirée à l'auberge. J'ignore s'il portait le même nom que celui que vous cherchez, mais je pense que c'est de lui dont il s'agit. Après tout, même si nous recevons régulièrement des visiteurs, ce n'est pas aussi fréquemment que nous le voudrions. Et la plupart du temps ils fuient plutôt l'intérieur du pays de la roche ... »

Ses yeux semblent un peu flous quelques instants. Il se perd dans ses pensées.

« Enfin, tout ça pour dire que Lian, la gérante de l'auberge, doit avoir d'avantage d'informations que je n'en détiens sur le sujet. J'espère que ce moine a trouvé un refuge sûr, j'ai entendu un de nos villageois affirmer qu'il avait vu une panthère des roches dans les environs. Normalement, ces animaux chassent du petit gibier, mais ce sont de dangereux prédateurs s'ils sont acculés ou affamés. Et nous sortons d'un hiver tenace et difficile ... Et vous n'aurez besoin d'aucun équipement pour gravir le mont Tsurugi. La pente est raide, mais de bonnes jambes et un coeur bien accroché devraient vous suffire. Le sentier est sinueux, mais il n'y a qu'un seul chemin jusqu'au temple. »

Il prend une gorgée de thé. Il a un goût de menthe, mais aussi de quelques petites autres herbes. C'est très particulier, et particulièrement amer. Mais on peut y trouver du charme, si on arrive à passer cette amertume. En tous les cas, la recette est bien différente des thés traditionnels de l'Empire. Et pourtant il y en a une flopée, entre toutes les nations qui le composent !

La question de Youma fait que Wei le fixa quelques secondes. Avant de lui adresser un sourire.

« La curiosité n'est pas une mauvaise chose, jeune shinobi. Ou presque jamais tout du moins. Et puis je ne peux que très bien connaître votre sentiment. Vous êtes en territoire inconnu après tout. Mes racines sont ici au pays de la roche, mes parents y sont nés. Mais moi je suis né sur le territoire impérial. A la mort de mes parents, je suis revenu vers ce village où je suis né, il y a vingt ans de cela. C'est aussi simple que ça. Et je serais bien stupide de ne pas me fournir en vêtements impériaux alors qu'ils sont plus confortables, et que le cuir comme le tissu sont de meilleurs qualités, pour un prix pas forcément plus élevé. Tout le monde n'est pas d'accord avec moi ici, mais pourtant c'est la stricte vérité. »

Wei reprit une nouvelle gorgée de thé.

« Je pense que je n'aime pas l'attitude conquérante de l'Empire. Mais pourtant, Botsvana commerce régulièrement avec et en bons termes. Si je ne veux pas que mon village devienne une partie de l'Empire, cela ne nous empêche pas de considérer l'Empire comme notre allié. Commercial au moins. »

Nous avons une confirmation que notre moine a passé une soirée à l’auberge. Et nous avons fait bonne impression en nous présentant ici avant de faire quoi que ce soit. Bien, tout ça c’est mieux que rien. Mais si on veut plus d’informations, c’est à l’auberge qu’on doit aller. La fin de la journée approche. S’il y a une histoire de bête sauvage ou de bandits, mieux vaut s’y prendre de jour : on n’a pas l’avantage du terrain. Autant ne pas réduire en plus notre visibilité et nous exposer inutilement à un danger potentiel. Et puis, tant qu’on n’a pas encore grimpé le mont, autant obtenir dès maintenant un maximum de réponses.
Quant à l’histoire de Wei … Je la trouve étonnante, pour ne pas dire un peu bancale. Enfin, les histoires inhabituelles, elles courent les rues en ce moment. Mais quand même, malgré ses origines, il n’est pas natif du coin. Et le pays de la terre est connu pour être assez rude question traditions. Comment se fait-il que cet homme soit à la tête de ce village, s’il n’y a pas grandi ? C’est peut-être juste l’exception qui confirme la règle. Mais je n’aime pas trop les exceptions. Pour moi, ce sont justes des confirmations mal cernées. Et justement, ne pas arriver à cerner cet homme me dérange. Il est poli, alors je lui rends la pareille en cessant de lui poser des questions. Mais je ne lui fais pas vraiment confiance : je trouve que derrière son attitude respectueuse et honnête, il y a des incohérences. Et je n’exclue toujours pas que ce village ait une quelconque responsabilité dans cette histoire.

Comme Kai annonce que nous prenons congé, je me contente d’un signe de tête en guise d’approbation, et en me levant.

- Merci de votre accueil.

Mon équipier a déjà tout dit, alors nous voilà nous dirigeant vers la porte de sortie. Tout en avançant vers l’auberge, qui sera sans doute notre destination, je fais remarquer à voix basse pour ne pas ébruiter notre conversation aux passants :

- Tu en penses quoi de cet homme ? Il a l’air d’avoir été très honnête avec nous.

Je n’y crois pas vraiment. Mais c’est une bonne occasion de mieux cerner les forces et les faiblesses de Kai. Ce n’est pas sympathique de le tester de cette manière, mais sympathiser n’est qu’un plus, secondaire. Nous sommes une équipe désormais, et personne n’est parfait. En savoir plus l’un sur l’autre est primordial. Afin de savoir comment nous agissons et réagissons. En cas de problème, la connaissance de son équipier permet une meilleure coordination. Si on n’a pas besoin de parler pour se comprendre, alors nous enchainons plus rapidement et plus efficacement. C’est le BABA d’un bon travail d’équipe. Enfin, nous n’en sommes pas encore là, mais si déjà on peut se cerner en se parlant, ce sera une très bonne avancée. Après tout, nous débutons encore dans ce format d’équipe. Et à deux, plutôt qu’à trois comme le sont habituellement les équipes ninjas, ça risque d’être encore plus important.

- En tous cas allons à l’auberge. Je ne sais pas encore si nous pouvons nous permettre de passer la nuit ici, ou à quel point Nijimura est en danger. Je préfèrerais attendre demain, pour ne pas avoir à faire face à un cadre inconnu de nuit s’il y a vraiment danger … Et aussi pour effectuer quelques transmutations préventives. Mais comme tu l’as dit nous sommes les secours. Je n’ai pas envie d’arriver en retard. Si on peut avoir quelques informations en plus, ce sera plus facile de choisir quel plan est le bon.

L’auberge est un grand bâtiment en pierre. Peut-être le plus grand que nous avons vu dans ce village pour le moment. Et il a l’air un peu plus animé que le reste du village, à cette heure. Il doit aussi servir de pub, j’imagine. Après tout, au pays de la terre ce sont essentiellement des mineurs que l’on trouve. Il leur faut bien un endroit où se réunir. Et je vois mal l’auberge vivre du tourisme, vu ce qu’a dit Wei.
Quand nous rentrons, tous les regards se tournent vers nous, et l’agitation retombent. Il y a une certaine pression dans l’air. Hostilité ? Méfiance ? Simple curiosité ? Je dirais plutôt la seconde. Mais un peu de la première est quand même présente. Voilà ce qu’est l’Empire pour la majorité des étrangers, après tout. Un envahisseur. Je ne l’ai pas ressenti avec Wei. Mais cette fois, c’est très différent. Et très clair.
Bon. On ne va pas rester immobiles à se laisser reluquer comme ça. Je m’avance vers le comptoir. Une femme est derrière. Ce doit être la fameuse Lian.

- Bonjour madame. Nous venons de parler à Wei. Il nous a conseillé de venir vous parler. Nous recherchons un pèlerin. Une moine, Nijimura. Il est venu escalader le mont Tsurugi, et n’a plus donné de signe de vie depuis pratiquement deux journées entières, maintenant. Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus ?

Je réalise que même si j’ai mentionné Wei, mes manières sont un peu … cavalières.

- Toute information nous aiderait beaucoup.

Cette précision n’est pas moins cavalière que ma façon de parler jusqu’ici. Je ne vois juste pas comment le dire autrement, par contre. Tant pis, espérons qu’elle s’en contente.

Lian ne se tourne pas tout de suite vers Youma, qui lui adresse pourtant la parole. Elle continue ses occupations, dans un premier temps. Elle verse quelques choppes, les pose sur des plateaux, et laisse le tout sur le comptoir à l'adresse des deux serveurs. Puis, elle revient pour se laver les mains. Passe un coup de torchon sur le comptoir. Puis se relave les mains. Et enfin, s'arrête pour lever les yeux vers le ninja.
Son regard est un peu différent des autres villageois. Là où eux sont hostiles, mais quand même intimidés ... Lian semble moins agressive, mais bien moins impressionnée. Est-ce qu'elle est comme ça avec tout le monde ? Difficile à dire.

« Des ninjas de l'Empire. Sérieusement ? Vous êtes loin de chez vous. Enfin, si Wei vous a dit de venir me parler c'est qu'il doit être d'accord ... Par contre je vous préviens, vous avez intérêt à ne pas oublier qu'ici, vous n'êtes que des étrangers et vous n'avez aucune autorité. »

Elle les jauge quelques secondes. Puis soupire.

« Bon ... Oui, j'ai vu votre moine. Il a passé la nuit à l'auberge, en payant d'avance. Il a pris un repas de mer... enfin, de moine quoi. Donc quasiment rien. Il n'a fait aucune histoire, n'a discuté avec personne. Et le matin, il est parti vers le mont Tsurugi. On a quand même discuté quelques instants le soir de sa venue. Il voulait savoir comment était la météo ces derniers jours, s'il y avait des bandits dans la région, ce genre de choses. Il m'a dit qu'il était pèlerin et qu'il passait juste voir le temple, et qu'ensuite il partirait. Il m'a eu l'air d'être très sympathique. Quoiqu'un peu trop prude ... »

Un étrange sourire apparaît sur ses lèvres.

« Je comprendrais jamais les ascètes ... »

Elle commence à s'éloigner, mais se ravise.

« Vous voulez une chambre, au fait ? »

Pendant qu'elle discute avec Youma, le serveur, un jeune homme d'une quinzaine d'années, prend la commande de Kai. Mais celui-ci découvre vite qu'outre du gibier et de la bière, il faut se contenter d'eau par ici. Ils ne servent rien d'autre. Sinon différent alcools locaux un peu plus forts, mais pas très honorables pour un shinobi en mission ...

Je ne suis donc pas le seul à avoir remarqué les incohérences et les étrangetés dans le discours et l’attitude de Wei. Ce n’est donc pas de la paranoïa. Ou alors nous sommes deux à subir cette affliction, ce qui reste extrêmement peu probable.

L’aubergiste, par contre, ressemble d’avantage à ce à quoi nous pouvions nous attendre en venant ici. Ses premières paroles ne sont ni plus ni moins que des menaces. Enfin, je choisis plutôt de les ranger dans la case de l’avertissement. Inutile de surenchérir ou de mal le prendre. Elle ne nous en veut pas personnellement, après tout. C’est notre statut de ninjas impériaux qui font qu’elle se méfie de nous. Et cela, je peux le comprendre. Bien que l’Empire ait historiquement prouvé que les nations conquises s’en sortent mieux que les nations extérieurs à son emprise, par les temps qui courent. Mais il y a eu protestation, plus ou moins virulente, dans chaque annexion. Que le pays de la roche soit le prochain à y passer, ou pas, ne modifie pas les données du problème.
Enfin, Lian répond tout de même à ma question et nous dit ce qu’elle sait sur Nijimura. Peu de choses, mais nous avons à nouveau la confirmation qu’il est bien venu ici. De façon plus précise de surcroit. Cette femme s’exprime de façon neutre, et le fait qu’elle nous déteste ne fait que rendre son discours plus crédible, en soi. Si elle avait voulu nous mentir, elle aurait sûrement commencé ici, hors rien ne paraît indigne de confiance dans ce qu’elle nous dit.
D’un autre côté, nous n’avons toujours aucune idée de ce qui a bien pu arriver à Nijimura.

- Merci de ces informations. Oui, nous allons prendre une chambre, s’il vous plait. Deux places, de préférence ...

Comme convenu avec Kai, j’ai besoin de me préparer avant l’expédition. Une fois fini avec la tenancière, je me dirige vers mon coéquipier. Et je me rapproche suffisamment pour pouvoir lui parler à voix basse sans oreilles indiscrètes.

- Rien de nouveau, ni de probant. Dans le doute, nous allons devoir y aller de nuit, je présume. C’est plus risqué, mais s’il meurt pendant la nuit nous aurions l’air fin. J’ai quand même pris une chambre. J’y vais de suite, j’ai besoin de faire quelques transmutations afin d’être préparé en cas d’embûche.

Je monte donc à l’étage, afin de m’installer dans la chambre louée par Lian. Deux lits, modestes mais propres et munis de traversins. Le confort avant l’apparence, je ne peux qu’approuver ce raisonnement qui s’inscrit dans mon mode de fonctionnement également.
Je m’approche de l’un des deux lits et m’installe dessus. Je décroche ma chaîne de ma ceinture, et la déplie afin de l’étendre devant moi. Ceci fait, je ferme les yeux, les mains posées sur elle. Je visualise sa structure. Elle est d’excellente qualité, vraiment. Mais pourtant, des imperfections existent toujours aux plus petites échelles. Je la parcoure. Je corrige toutes ces petites approximations, afin de la rendre plus solide que jamais.

[Crescendo matériel : -80 chakra, chaîne passe de EQ à CQ pour 24 heures]

Lorsque je rouvre les yeux, de longues minutes se sont écoulées. Comme nous l’avions prévu avec Kai, je n’ai pas nécessité de toucher à son équipement à lui pour le moment. Mieux vaut plutôt garder du chakra. Et puis si ça devient essentiel, je peux toujours utiliser une amélioration rapide. Certes, c’est moins probant, mais ça n’en demeure pas moins efficace sur une courte durée. Moins, mais pas de beaucoup.
J’en profite également pour faire le tour de mon équipement. C’est rapide. J’ai mes shurikens de verre, je les ai transmutés définitivement il y a bien longtemps. Je peux augmenter mon armure, mais à vrai dire le cuir est de qualité si moyenne que je ne peux pas faire de miracle. Le chakra dépensé ne vaudra jamais le résultat. Je peux améliorer les objets. Je ne peux pas changer trop profondément leur nature, cependant. Si ce sont des objets de mauvaise qualité, je n’y peux rien.
Je réfléchis un peu, pendant que j’ai le temps. Nous n’avons besoin de rien de spécial, que je pourrais transmuter ? Rien ne me vient à l’esprit. En fait, je suis déjà prêt. Je raccroche ma chaîne à ma ceinture. Au moins, grâce à cette chambre, nous aurons de quoi nous replier en cas de besoin. Ou au moins, nous pourrons faire semblant de dormir et partir pendant la nuit ? Ca me semble être un meilleur plan que de partir de jour devant tous les villageois. La méfiance est de mise, mieux vaut gravir le mont Tsurugi cette nuit.
Et finalement, si, il y a bien quelque chose que je peux transmuter. Je sors de mon sac du bois, et aussi quelques petits objets de métal de récupération. Je les dispose sur le lit. J’ai la bonne matière, je n’ai que la forme à modifier. Et la résistance à certains éléments, ou encore la capacité de le produire : le feu. C’est d’une simplicité enfantine, je faisais déjà ça quand j’avais dix ans.

[Pouvoir créateur : (-60 chakra) création de deux torches et d’un allume-feu à partir de matières premières]

Bien. Tout est prêt. J’attends juste que Kai confirme le plan, et on prendra une décision finale. Je suis pour partir de nuit, mais il ne faut pas exclure la possible germination d'une meilleure idée.